Un masseur-kinésithérapeute peut-il recevoir une donation, acheter un bien ou conclure un viager avec son patient ?
Sur les donations et legs : NON, interdiction stricte
« Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux ayant prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt, ne peuvent recevoir de celle-ci, pendant le cours de cette maladie, aucune donation entre vifs ni aucun testament. »
Cette interdiction vise à protéger les patients en situation de vulnérabilité, et s’applique aux kinésithérapeutes, en tant qu’auxiliaires médicaux. Elle a été confirmée à plusieurs reprises par la jurisprudence.
Sur l’achat d’un bien à un patient : OUI, mais prudence extrême
Aucune loi n’interdit formellement à un masseur-kinésithérapeute d’acheter un bien à son patient.
Cependant, le Code de déontologie (article R.4321-97 du Code de la santé publique) impose que le kiné :
« s’abstienne d’abuser de son influence en vue d’obtenir un mandat ou de contracter à titre onéreux dans des conditions qui lui seraient anormalement favorables. »
Ce type de relation contractuelle peut faire peser un soupçon de conflit d’intérêt, voire d’abus de faiblesse en particulier si le patient se trouve dans une situation délicate.
Néanmoins l’accompagnement d’un notaire, ou d’un tiers, pourra vous demander de produire des justificatifs de plusieurs évaluations crédible du bien, de la volonté réelle de la personne de vendre et potentiellement de son entourage, et vous sollicitera afin de recourir si besoin à toutes attestations nécessaires.
Sur la vente en viager : un cas très sensible de conflit d’intérêt
La vente en viager consiste à vendre un bien à une personne qui versera une rente jusqu’au décès du vendeur. Cela implique un lien direct avec la vie et la santé du patient, ce qui soulève plusieurs difficultés déontologiques et juridiques :
- Le kinésithérapeute est, par sa fonction, informé de l’état de santé du patient, ce qui crée une asymétrie d’information majeure.
- L’acheteur (le kiné) bénéficie directement du décèsdu vendeur (le patient), ce qui crée un conflit d’intérêt éthique manifeste.
- La jurisprudence pourrait assimiler cette situation à un abus de faiblesseou une situation d’influence indue, même si le patient semble consentant.
Risque juridique :
Même si aucune loi n’interdit explicitement ce type de contrat entre un soignant et un patient, la combinaison de l’article 909 du Code civil et de l’article R.4321-97 CSP permettrait à un juge ou à la juridiction ordinale de sanctionner ce type de pratique, si elle apparaît comme contraire à l’intérêt du patient.
Recommandations pratiques
- Ne jamais initier ou accepter une donation ou un legsd’un patient.
- Éviter toute transaction financière avec un patient, a fortiori en viager ou en période de vulnérabilité.
- Faire évaluer tout projet contractuel par un tiers indépendant (notaire, avocat) et consulter préalablement le Conseil de l’Ordre départemental.
- Documenter le consentement éclairé si une transaction est envisagée, mais garder à l’esprit que cela ne suffit pas toujours à exclure un grief d’abus d’influence.
Conclusion
Le kinésithérapeute est tenu à une éthique irréprochable dans ses relations avec ses patients. Même en dehors du soin, toute transaction financière engage une responsabilité morale et déontologique forte, et doit être évitée lorsqu’un doute existe sur l’autonomie ou la vulnérabilité du patient.
La vente en viager, tout particulièrement, constitue un exemple emblématique de ce que le droit et la déontologie cherchent à éviter :
une confusion entre soin, influence, et intérêt économique.